Biomimétisme et bio-inspiration

La nature au service de la conception

Depuis 2015, les équipes MAP-Aria et MAP-Maacc explorent des démarches biomimétiques présentant un fort potentiel en architecture. Leur travail résulte d’une coopération entre architectes, biologistes, biomiméticiens et ingénieurs, dont les questionnements sont nombreux.

Si la nature est source incontestable d’inspiration pour l’homme, quel regard porter sur la conception des formes architecturales à l’heure du biomimétisme en vogue et de l’avancée plus laborieuse des connaissances sur la biogenèse des êtres vivants ? Dans quelle mesure est-il possible de s’inspirer des systèmes naturels en vue de les appliquer à l’architecture ou au design architectural ? Comment peut-on se servir du biomimétisme pour concevoir des structures ou des enveloppes plus efficaces, ou pour produire de l’énergie passive pour nos bâtiments ?

Genèse du biomimétisme en architecture

On peut distinguer graduellement quatre étapes :

  • 1) la bio-inspiration, qui a toujours plus ou moins existé (une idée est « piquée » dans la nature, par exemple : les ailes d’avion inspirées des ailes d’oiseaux). Qu’il s’agisse de chercher des formes, des idées, des principes, des concepts, la biologie se présente comme un modèle, une source inépuisable et une référence pour de nombreux architectes ;
  • 2) l’architecture bioclimatique des années 1970-1990, avec l’intégration dans le milieu naturel, des tentatives plus ou moins fructueuses d’utiliser les flux extérieurs d’énergie (vent, lumière, chaleur) et de matière (terre, eau) ;
  • 3) le biomorphisme (simple « copier-coller » d’une forme, d’un procédé, sans questionnement scientifique a priori), très à la mode depuis 1990, mais souvent déstructurant. L’attrait pour l’architecturebiomorphique s’explique d’abord par la présence de formes douces, organiques, visuellement agréables, rassurantes. A défaut d’avoir une vision cohérente des mécanismes morphogénétiques à l’œuvre dans la nature, on en exploite uniquement la richesse morphologique, à certaines échelles. On en reste au stade de l’inspiration formelle, de l’émotion esthétique, du projet en apparence innovant, mais qui peut être techniquement mauvais, cher, voire anti-écologique ;
  • 4) l’approche biomimétique, intrinsèquement inter et transdisciplinaire, va nettement plus loin et possède une assise scientifique et durable [biomimicry.net, www.asknature.org]. Elle fédère désormais une large communauté de chercheursfascinés par l’ingéniosité du vivant et engagés, entre autres choses, dans la transition énergétique. « Elle est une approche scientifique et aussi philosophique qui reconnaît la nature comme une experte en développement durable depuis plus de trois milliards d’années d’évolution du vivant. La nature a déjà résolu les problèmes auxquels nous sommes confrontés » (Janine Benyus).

Certes, il existe encore peu de bâtiments dont la conception et le fonctionnement ont été guidés par une démarche biomimétique intégrale. Il s’agit surtout d’édifices emblématiques, portés par des architectes ambitieux et pionniers en la matière. Par exemple, Vincent Callebaut essaie de renouveler sa pratique de l’écoconception en s’inspirant du biomorphisme (intelligence des formes de la nature), de la bionique (intelligence des structures du vivant et des matériaux) et du biomimétisme. Cette nouvelle pratique architecturale (dénommée archibiotic) lui permet de construire des bâtiments métaboliques, autonomes, à énergie positive, en symbiose avec leur environnement, recyclant leurs propres déchets. De son côté, Michael Pawlyn insiste sur trois types d’actions à mener en s’inspirant des solutions éprouvées par la nature : augmenter radicalement l’efficacité de notre gestion des ressources, passer d’une économie linéaire et polluante à une économie cyclique, utiliser massivement l’énergie solaire.

Méthodologies

Dans une démarche d’écoconception, « le biomimétisme est un outil qui complète nos connaissances techniques, architecturales, constructives pour donner une dimension durable et responsable à nos modes de conception » (E. Cruz). Pour autant, les méthodologies biomimétiques de transfert de stratégies du vivant vers le bâtiment sont encore peu opérationnelles.

Tout d’abord, deux approches de transfert coexistent :

  • de la biologie vers la technologie (solution based) : sélection spontanée d’un élément du vivant aux propriétés jugées intéressantes dans l’optique de lui trouver une application industrielle, architecturale, etc. ;
  • de la technologie vers la biologie (problem based) : on recherche dans la nature une solution à un problème technologique ou fonctionnel rencontré par l’homme.

Ensuite, l’intégration du biomimétique au domaine architectural peut se réaliser à trois niveaux : formes, matériaux et écosystèmes :

  • le premier niveau est plutôt dédié à l’optimisation énergétique des enveloppes du bâtiment : et la recherche s’oriente vers des systèmes multi-régulation (cf. les travaux de nos étudiants ci-dessous). En effet, « l’architecture classique suit l’idée qu’un élément est conçu pour une fonction. Par exemple, les façades sont constituées de différents matériaux en couche qui effectuent chacun une tâche unique (ventilation, isolation thermique, pare-vapeur, isolation acoustique). Cette manière de concevoir contredit le principe naturel de systèmes d’éléments multi fonctionnels, interconnectés dynamiquement et adaptés aux variations temporelles des conditions climatiques » (E.Cruz). Ainsi, la méthode diagrammatique BioGen développée par Lidia Badarnah a été conçue pour guider les architectes et les ingénieurs dans la conception d’enveloppes et de façades multifonctionnelles, adaptables, qui se comportent comme des organismes vivants. En prenant en compte les quatre flux fondamentaux : eau, air, chaleur, lumière, la méthode aide à créer des enveloppes transitives qui résolvent les défis de la multi-régulation pour un climat donné.
  • les deux derniers niveaux inspirent des processus de construction avec recyclage et régénération (comme la méthodologie ESA de Maibritt Pedersen Zari).

Etudiants (co)encadrés depuis 2015

Estelle Cruz, double cursus ENSAL (diplômée) – Centrale de Lyon (2A, 2015), “Biomimicry World Tour – Architecture biomimétique – Construire durable ”. Co-encadrement dans le cadre du projet PARADESEE mené avec l’Institut de Transition Enérgétique INEF4. Doctorante au sein du CEEBIOS et laboratoire MECADEV UMR 7179, Muséum d’Histoire Naturelle de Paris. Chercheuse associée MAP-Aria.

Anaëlle Quillet, étudiante en Master 1 de l’ENSAL, en double-cursus ingénieur à l’ENTPE, stage de parcours recherche de février à juin 2017 encadré par Xavier Marsault, “Conception biomimétique d’une enveloppe réactive”. Prix de la Jeune Architecture de la Ville de Lyon, mention recherche, en 2018.

Auteur : Anaëlle Quillet

Omar Naïm, étudiant de master 1 à l’ENSAL en 2017, co-encadré par le laboratoire pour un stage recherche de deux mois au sein du CEEBIOS (Centre Européen d’Excellence en Biomimétisme de Senlis). Il construit un état de l’art autour de l’habitat bio-inspiré. Il est encadré par Estelle Cruz, architecte-ingénieure, doctorante au MECADEV du Muséum d’Histoire Naturelle de Paris.

Capucine Clément, étudiante de master 2 à l’ENSAL en 2018, a pris la suite des travaux de Omar Naïm pour le CEEBIOS. Encadrée également par Estelle Cruz, elle contribue à un catalogue raisonné du parallélisme habitat-vivant par l’étude comparative des enveloppes du bâtiment avec les différents téguments rencontrés dans le monde vivant, animal comme végétal.

Ginaud Chancoco, étudiant de master 2 à l’ENSAL en 2019, est co-encadré par le laboratoire pour un stage recherche de deux mois au sein du CEEBIOS. Il prend ainsi la suite de Capucine Clément et d’Omar Naïm. Il rassemble des données quantitatives et qualitatives sur des projets et des édifices bio-inspirés repérés avec Estelle Cruz. 

Durée

2015-

Cadre

Thématique transversale

Partenaires
Responsable au sein du MAP

Xavier Marsault

Équipes du MAP impliquées