Axe 2. Modèles et environnements numériques pour la conception en architecture

Depuis sa création, le MAP a pour objectif de développer des méthodes et outils en vue d’instrumenter la conception architecturale. Aujourd’hui plus que jamais les acteurs de la conception de l’architecture, de la ville et du territoire sont confrontés à la transition numérique de leur secteur et le MAP a pour ambition de jouer un rôle moteur dans cette transformation.

Trois grands thèmes complémentaires sont abordés. Mutations des pratiques de conception architecturale a pour visée d’interroger les pratiques et d’expérimenter des dispositifs en vue de produire des méthodes et des outils professionnels et pédagogiques pour accompagner la transition numérique. Assistance à la conception en phase amont a pour objectif le développement d’outils numériques utilisables lors des phases précoces de l’activité de conception architecturale ; là où le rôle de l’architecte est essentiel. Continuum numérique : de la conception à la fabrication a pour objectif la mise en œuvre de méthodes, le développement et l’usage d’outils permettant une intégration de la modélisation virtuelle et de la fabrication du réel.

A. Mutation des pratiques de conception architecturales

A travers des activités de recherche pluri-disciplinaires, cette entrée convoque des compétences multiples au sein des équipes du MAP et de son réseau de partenaires : sciences cognitives, neurosciences, ergonomie, sociologie, management, pédagogie et science informatiques.

Les quatre domaines de recherche du thème Mutation des pratiques de conception architecturales :

On interroge ici les processus cognitifs mis en jeu dans des activités de conception architecturale. Il s’agit d’observer des activités de conception instrumentée ou non. Les résultats sont utilisés pour construire des méthodologies, améliorer des outils ou en spécifier de nouveaux. Diverses méthodes d’analyses seront convoquées par les chercheurs du MAP pour interroger des pratiques individuelles, mais aussi des pratiques collectives et collaboratives. La prise en compte de plus en plus grande des usagers dans les activités de conception nous invite à interroger aussi la perception.

Les pratiques collectives et collaboratives sont fortement conditionnées aujourd’hui par l’usage des outils BIM. Le BIM est largement compris comme une technologie de rupture qui porte un fort potentiel d’innovation organisationnelle pour le secteur de l’AIC. Sur le terrain des outils d’aide à la conception, deux territoires relatifs à l’accompagnement des pratiques professionnelles liées aux usages du BIM seront explorés par le MAP-Aria, à travers des collaborations esquissées avec le laboratoire LAURE (ENSAL) ou avec d’autres partenaires (académiques, industriels). Ils interrogeront le passage du modèle numérique unique du bâtiment au modèle numérique unique et partagé de la ville : du BIM au CIM (Building Information Modeling to City Information Modeling), avec ses incidences sur le partage des actes et responsabilités des différents intervenants du cadre de vie en milieu urbain ; l’adaptation des méthodologies et processus BIM au domaine des interventions en milieu existant et l’extension des outils à la gestion du patrimoine bâti (Heritage-BIM ou HBIM). 

Si les pratiques professionnelles de l’architecture évoluent, et aujourd’hui encore plus rapidement du fait des nombreux acteurs de l’acte de bâtir, il est fondamental que la formation initiale dispensée à cette profession participe à sa formation continue. Il conviendra de mettre en œuvre un protocole pour le transfert permanent des connaissances du laboratoire vers la pédagogie ou la profession par la définition et la mise en œuvre de pratiques pédagogiques et professionnelles adaptées. L’UMR s’intéresse également à la définition et à la mise en place de formations à distance destinées aux professionnels de l’architecture par la réalisation d’outils pédagogiques adaptés et innovants ainsi que par la scénarisation de jeux sérieux orientés métiers. À l’image des pratiques collaboratives autour de la maquette numérique, ces nouveaux outils pédagogiques s’adresseront à terme à tous les acteurs de l’architecture et de la ville.

Il s’agit dans ce thème d’expérimenter des dispositifs innovants (immersif, collaboratif, tangible) permettant des interactions synchrones entre des collaborateurs colocalisés ou distants, pour évaluer les avantages et les valeurs ajoutées de la collaboration numérique synchrone par rapport à celle non-numérique, et définir des axes d’améliorations des systèmes de collaboration. L’objectif de ce thème est de développer de nouveaux modes de travail collaboratif dans le domaine de l’architecture, mais aussi de favoriser de nouvelles pratiques d’enseignement de l’architecture par la simulation immersive.

B. Assistance à la conception en phase amont

Certaines approches numériques peuvent être convoquées lors des phases amont de la conception pour assister l’architecte dans sa prise de décision, y compris lorsque les problèmes posés sont encore flous ou mal définis. On trouvera ici des outils et méthodes favorisant la découverte assistée de solutions plausibles et performantes, ou le parcours d’univers multidimensionnels de variantes de solutions respectant des objectifs ou contraintes environnementales et de confort.

Les quatre domaines de recherche du thème Assistance à la conception en phase amont :

La modélisation générative est convoquée dans des problématiques de conception lorsque la recherche de solutions optimales est rendue difficile par le nombre et l’hétérogénéité des paramètres caractérisant ces solutions. Dans le domaine de la conception architecturale et urbaine, la quasi infinité des solutions possibles nécessite la mise au point d’heuristiques de recherche qui se basent sur des algorithmiques stochastiques, souvent biomimétiques, notamment à base d’algorithmes génétiques et dérivés. La méthode générative consiste à construire, évaluer et faire évoluer des populations de solutions tirées au sort, dans un processus itératif qui vise à parcourir l’étendue la plus large de l’espace des solutions. La difficulté à choisir les “meilleures” solutions dans cette étendue nécessite d’imaginer des outils faisant largement collaborer le concepteur à la recherche des familles de solutions, voire apprenant de leur dialogue avec l’usager.

Les recherches débutées en 2012 autour de l’écoconception générative ont permis le développement d’un environnement logiciel original et prometteur, qui peut répondre aux attentes d’une pratique de la conception responsable et attentive aux enjeux environnementaux actuels et à venir. Ecogen facilite la recherche de morphologies d’édifices adaptées à leur contexte proche, à leur situation climatique, à la maximisation de leurs performances énergétiques et à la recherche du bien-être des occupants. Ecogen entre en phase de commercialisation.

Plusieurs extensions, améliorations et expérimentations sont envisagées. L’adjonction d’un module dédié à l’Analyse du Cycle de Vie (ACV) semble envisageable, comme une évaluation du bilan carbone, du confort estival, des logiques constructives. Des travaux à plus longue échéance seront menés pour imaginer d’autres manières d’interagir avec les moteurs de morphogénèse et d’évaluation, qui permettraient par exemple de conduire la recherche de solutions à partir d’esquisses ou d’intentions de projet. Pour ce faire, d’autres modèles génératifs, notamment issus du deep learning, sont envisagés, replaçant la pensée humaine et l’apprentissage au cœur du processus d’aide à la décision.

La qualité environnementale des bâtiments apparaît aujourd’hui comme un enjeu clef pour l’architecture lors des phases de conception et de réalisation. Cependant, cette (r)évolution privilégie des bâtiments dont l’exemplarité repose sur des solutions techniques dont les performances sont aisément vérifiables. En effet, la réglementation et les labels de qualité énergétique et environnementale s’attachent avant tout à la performance et à la durabilité du bâti. Ils imposent également de plus en plus l’affichage d’indicateurs de contrôle en matière de santé. Mais l’idée d’un confort optimal des occupants, sa caractérisation, sa modélisation et son suivi sont encore très rarement des préoccupations prioritaires lors de la conception d’un ouvrage. Face à une mutation énergétique du bâtiment performant, il est donc urgent de repositionner l’humain et son confort au cœur de la réflexion. La notion de confort devient alors une véritable transversalité des enjeux architecturaux de demain.

Les travaux de recherche menés par le MAP-CRAI visent 1) à définir la notion de confort, en perpétuelle évolution, entre confort normé et confort sensible ; 2) à proposer des méthodes et outils d’aide à la prise en compte du critère Confort lors des phases de programmation et de conception ; 3) à mettre au point des méthodologies et outils de (re)commissionnement d’ouvrage permettant de recaler en permanence les scénarios initiaux et de s’adapter aux conditions d’occupation réelles.

Dans la transition entre l’âge industriel et l’âge écologique, le bio-mimétisme, “l’une des boîtes à outils de la quatrième révolution industrielle” (rapport du Sénat 2007), possède une assise scientifique et intègre naturellement la notion de durabilité. Il consiste à s’inspirer de la nature – experte en évolution – pour innover et tenter de résoudre des défis technologiques et environnementaux.

Le MAP-Aria et le MAP-MAACC explorent des démarches bio-mimétiques qui présentent un fort potentiel en architecture dont sont issues de nombreuses constructions et innovations durables. Elles résultent d’un travail de coopération entre architectes, biologistes, biomiméticiens et ingénieurs. L’intégration du biomimétisme peut se réaliser à trois niveaux : formes, matériaux et écosystèmes, inspirant notamment des processus d’optimisation énergétique des enveloppes du bâtiment (eau, air, chaleur, lumière) et de construction avec recyclage.

Pour autant, les méthodologies biomimétiques de transfert de stratégies du vivant vers le bâtiment ne sont pas concrètes et opérationnelles.  Il y a plusieurs défis pour les architectes à utiliser de façon optimale la stratégie biomimétique pour innover dans leurs projets. Pour cette raison, il est envisagé de développer des outils pouvant être utilisés en tant que support d’apprentissage et comme système d’aide à la deécision pour sélectionner une stratégie biomimétique. Ces outils pourraient être alimentés par des équipes pluri-disciplinaires à travers une plateforme collaborative.

C. Continuum numérique conception - fabrication

Le MAP investit la problématique du “continuum numérique” en conception/fabrication/construction en architecture. Il s’agit de définir des modèles « constructibles » ou « fabricables » dès la phase de conception qui, grâce aux machines numériques de fabrication/construction 3D (machines-outils, imprimantes 3D, robots industriel et de chantier,…), permettront de valider des hypothèses de design ou d’opérer dans les situations réelles de l’usine ou du chantier.

Les trois domaines de recherche du thème Continuum numérique conception – fabrication :

Le terme de réalité numérique vise à prendre en compte dans la modélisation, les contraintes physiques résultant du comportement des matériaux, de leur mise en œuvre à la description des données environnementales de l’espace construit. La notion de multi-échelles s’applique différemment suivant qu’il se rapporte à la modélisation ou à la réalité numérique. Il s’agit de la modélisation utilisée depuis la phase d’esquisse jusqu’à la conception des détails et de la fabrication d’objets de petites tailles (imprimantes 3D et découpe laser) jusqu’à l’usage de robots pour du prototypage à plus grande échelle.

Dans cette thématique de la fabrication numérique, le MAP en lien avec ses questionnements sur la didactique des outils numériques appliqués à la conception architecturale, continuera à observer et évaluer l’impact de l’hybridation des champs artistiques et techniques sur la créativité des concepteurs. On évaluera d’un côté les stratégies d’encodage du sensible à l’œuvre à la fois dans les phases préliminaires de la conception et dans les allers-retours entre modèle virtuel et objet intermédiaire de la conception (fabriqué dans ce cas par prototypage rapide), d’un autre côté l’efficience du chaînage informationnel conception-fabrication porté par la modélisation du comportement de la matière et la modélisation des procédés, rendues nécessaires par un contexte généralisé d’économie de la matière et de l’énergie. Dans une logique similaire, on assiste au développement d’une architecture instrumentée, soit à des fins d’optimisation du cycle de vie (traçabilité des matériaux et composants, recyclabilité, maintenance), soit à des fins d’amélioration du comportement de l’édifice (adaptation aux contraintes externes de type variation ou aléa climatique, adaptation aux exigences ou désirs des usagers). Le déploiement des dispositifs ubiquitaires au sein du bâtiment s’opère principalement sous l’angle technique mais la pertinence des scénarios d’usage ou des modalités d’interaction peut être questionnée. L’objectif serait de replacer l’humain au centre du mode d’existence des objets techniques. Notre regard impose des logiques transdisciplinaires et ce sont à la fois des recherches exploratoires et des actions de recherche-innovation qui devront être conduites pour atteindre les objectifs spécifiés.

Le MAP poursuivra ses recherches sur le thème de la mécatronique. Le questionnement général est de savoir comment le chantier vient interroger les technologies mécatroniques, comment le prototypage rapide questionne les modes de construction et comment les architectes pourraient intégrer les principes de la mécatronique dans leurs activités. MAP-MAACC s’intéresse particulièrement aux phases de la conception technique et de la fabrication des édifices, MAP-Aria s’intéresse au dialogue possible entre machines et concepteur dans les phases amont de la conception.