Cobotiques I
Initiative MAP
Machines à voir, machines à penser : écosystème robotique situé pour la conception architecturale

La première phase du projet interroge les liens techniques et sensibles qui coexistent entre conception et matière au travers de boucles de rétroaction opérateur-machine-matière. L’objectif est de concevoir et tester un dispositif robotique de numérisation automatique d’objets par analyse temps réel de leur géométrie et rétroaction sur la position du capteur image couplé à l’outil de fabrication dans le but plus général de donner plus d’autonomie à la CFAO.
Pour faire ainsi le projet a consisté à développer un dispositif de prototypage robotique à petite échelle (principalement à base d’argile, parfois augmenté par d’autres matérialités) visant à exacerber les dimensions tactiles et proprioceptives de l’expérience de conception. Centré autour de la programmation et l’expérimentation des protocoles de fabrication additive mis en orbite dans une boucle feedback en tant que capture analogique sur l’environnement par un robot 6-axes modifiant pas à pas la trajectoire du système. De ce « machine behavior » résulte un « design behavior » à travers la mise au point d’instruments haptiques et la production d’objets en série. Le processus de conception intègre alors dès ses premières itérations une perception approfondie des écarts et des résonances entre objets numériques simulés et artefacts physiques fabriqués. Navigant entre nécessité de simulation située et volonté de fiction, la mise en œuvre de schèmes technologiques ouverts à la reprogrammation et à l’indétermination rencontre les activités fécondes de bricolage et d’improvisation, de spatialisation et de fabulation propres au moment de conception.
Objectifs
Le projet a pour cœur d’exploiter cette marge d’indétermination en envisageant le robot comme une « machine ouverte » capable d’alimenter le processus créatif au sein d’un environnement que nous appelons ici substrat en tant que milieu de fixation. La nature de l’indétermination y est multiple, et constitue toujours le point de scission entre le modèle numérique, virtuel et idéal, et celui, physique, soumis aux variations d’un environnement parfois trop chaud, d’une argile trop peu visqueuse, d’un temps d’extrusion trop long. Cette indétermination naît également de la réduction d’échelle : en effet, le contrôle sur la forme est modulable, jouant sur un équilibre entre force de gravitation et contraintes mécaniques (macro) et force de cohésion de l’argile, tensions de surfaces, etc. (phénomènes méso ou micro).
Il s’agit également de retraverser le processus d’automatisation d’une tâche complexe par schématisation d’un geste vivant – qui ici doit percevoir et orienter l’écoulement
d’un fluide visqueux pour en tirer des motifs reproductibles. La méthode retenue pour faire émerger un dispositif viable repose sur deux boucles d’apprentissage précédant les boucles de production.
Enfin le projet vise à explorer la notion de matérialité programmée (modélisation, simulation, abstraction, sémiotisation) en faisant se « rencontrer » l’agentivité d’une pâte d’argile avec une routine robotique de fabrication dérivé du procédé d’impression 3D
Mise en œuvre
La mise en œuvre du projet a donc consisté à mettre au point un protocole expérimental, avec des objectifs et des techniques ou thèmes de production comme : l’échafaudage par agrégation, les structure multicouche, l’extrusion multi matériaux, la modélisation du comportement du robot et programmation, la formulation des matériaux, l’observation des phases expérimentales et le dialogue concepteur/robot
Sous sa forme finale le dispositif d’auto-apprentissage du robot fait la démonstration dans des cas simples de dépôt de matière, comment il “voit” ou “touche” sa propre production avant réitération d’un dépôt n+1 sur une couche n. Il expérimente également les modes de fabrication additive comme soustractive à travers ces itérations, puis un mode “composite”. Celui-ci favorisera les hybridations de techniques analogiques-robotiques, voire investiguera la question de la collaboration homme-machine dans une approche sensible de la CFAO. Les objets produits, du “tas” à la petite structure, revêtissent enfin un caractère esthétique singulier du fait de la marge d’indétermination générée par la viscoplasticité des matériaux choisis, de leur résilience, etc.
Durée
2018 – 2020
Rôle du MAP-Aria
Porteur du projet
Responsables
Eglantine Bigot-Doll
Raphaël Masbernat
Ont participé
Antoine Chevalier, Naomi Pereira, Chloé Blanc, Elisabeth Sulmont, François Pacquelet, Maxime Fouillat
Publications
Églantine Bigot-Doll, Du Noumène à l’OEkoumène, une émulsion analogique-numérique pour une prospective du projet d’architecture. Ph.D. Thesis, Lyon 2, Lyon, France, Novembre 2017, Disponible à l’adresse : http://www.theses.fr/s178461
Raphaël Masbernat, Églantine Bigot-Doll, Maxime Fouillat, Elisabeth Sulmont, François Pacquelet, Antoine Chevalier, Naomi Pereira, Chloé Blanc, Machines à voir, machines à penser : écosystème robotique situé pour la conception architecturale, SHS Web Conf. 147 06001, 2022, DOI: https://doi.org/10.1051/shsconf/202214706001