Le Prix de la Jeune Architecture (PJA) de la Ville de Lyon récompense depuis 20 ans les meilleurs projets de fin d’étude des étudiants de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon. Un jury composé de personnalités de l’architecture et de l’Ordre des Architectes, de représentants des collectivités, des maîtres d’ouvrages publics et de la promotion privée sélectionne au sein des productions des Domaines d’Etude de Master de l’ENSAL les travaux les plus prospectifs, les plus engagés, dans une variété représentative des postures et des questionnement qui animent les futurs professionnels du cadre de vie.
Cette année, le Projet de Fin d’Études conduit par Alexandra Stoleru et sa collègue Clara Touzard en 2021 a été particulièrement remarqué par le jury, au point qu’un Prix Spécial a été créé pour l’occasion.
“Rétrogression vers Gaïa” est un travail prospectif envisageant à l’échelle de 70 ans la transformation d’une portion du territoire de la ville de Lyon (le quartier de Vaise) vers une ville plus sereine, plus accueillante, reconnectant la terre, le fleuve, et l’ensemble du monde vivant.
Il s’agit d’écrire le récit d’un avenir possible, fondé sur l’histoire d’un haut-lieu de la construction en pisé et d’un passé industriel et ouvrier ancré dans la mémoire vive de la ville, et dessinant une remédiation d’un territoire urbain trop artificiel par la réhabilitation de l'”agritecture” que défendait François Cointeraux au 18ème siècle dans son École d’Architecture Rurale implantée au cœur même de ce territoire.
Complet, complexe, ce travail convoque les sciences sociales et les sciences environnementales, l’histoire du territoire et celle de la ville, les sciences des matériaux et de la construction, au bénéfice d’un “progrès à l’envers” (B. Latour).
“Le récit que nous développons à travers ce projet est avant tout une poétique, un élément de réflexion face au lourd fardeau hérité par notre génération Si celui-ci peut être vu comme radical, il n’est pas moins nuancé. Il s’agit de notre manière de mobiliser des connaissances architecturales, croisées à d’autres disciplines, pour construire un récit possible. Par le choix d’une approche holistique, la recherche d’intégrité et d’entièreté nous a animées tout au long de ce travail qui matérialise la construction d’une posture éthique et politique à l’orée de notre entrée dans le monde professionnel.
Comment proposer le changement radical de paradigme dont nous avons besoin sans tomber dans une dictature écologique polarisante, ou dans la dictature du soin ? En convoquant la nuance, le doute, la remise en question permanente.
Si nous valsons consciemment entre une certaine illusion techniciste et une dimension romantisée du rétrograde, c’est en attachant la question de la technique aux questions sociales, environnementales ou encore politiques, que nous interrogeons finalement notre lien avec nos outils, nos ressources et nos savoir-faire, mais aussi notre capacité en tant que société à agir collectivement.
Ce projet est enfin une recherche d’un nouveau rapport au monde, au réel, plus doux, moins obsédé par la performance et la recherche de solution miracle : « le réel n’est plus ce que je dois forcer, mais ce avec quoi je dois composer » (Charles Pépin).” [Conclusion de la notice descriptive du projet]
La revue S!lence a publié un article sur le travail d’Alexandra et Clara, dans son numéro de mars 2022.